BACKGROUND: Un coin de cauchemar
Auteur: Tristan Lhomme. Simulacres est une marque déposée par Pierre Rosenthal Illustrations:
L'épouvante pose un certain nombre de problèmes inconnus des autres univers de jeu. C'est sans doute l'un des genres les plus difficiles à maîtriser correctement pour les meneurs de jeu débutants. Les quelques conseils qui suivent devraient toutefois vous permettre de vous en sortir honorablement.
Ici, pas besoin de passer des heures à créer un monde complet, avec ses coutumes, ses paysages et sa faune. Nous sommes sur Terre, à notre époque (ou, éventuellement, dans un passé ou un avenir pas trop lointains). Cela facilite énormément le travail de description. Si le meneur de jeu (MJ) dit « vous êtes dans un centre commercial », la plupart des joueurs n'ont pas de difficulté à se représenter la chose. Ceci dit, cet « avantage » est à double tranchant. A force d'évoluer dans des paysages connus et relativement ordinaires, les joueurs risquent fort de s'ennuyer. C'est là que se pose la grande, l'immense difficulté de l'épouvante : à partir d'un cadre connu, le MJ doit faire basculer les joueurs dans un univers d'épouvante et, autant que possible, leur faire peur. Terroriser les personnages est facile, il suffit de jouer sur les points d'équilibre psychique. Mais effrayer les joueurs est une toute autre paire de manches. Et là, quel que soit le scénario, tout est entre les mains du MJ... Il lui faudra un minimum de sens de la mise en scène et une bonne connaissance de ses futures « victimes ». Et par-dessus tout, il lui faudra improviser (un art qui effraye beaucoup de débutants, et qui n'est pourtant pas si compliqué).
Dès le début le meneur de jeu doit se poser une question fondamentale. Dans quel sorte d'univers d'épouvante les personnages vont-ils évoluer ? Il y en a de toutes sortes, depuis le monde totalement désespéré créé par Lovecraft, aux créations relativement optimistes où les forces du mal sont toujours vaincues à la fin (l'optique de la plupart des auteurs d'horreur moderne), en passant par des visions encore plus abominables (le jeu Kult, où le monde que nous connaissons n'est qu'une illusion manipulée par des sortes de démons). Ici, nous partons du postulat que les monstres sont relativement classiques (reportez-vous au bestiaire pour vous en convaincre), et surtout, rares. Déjouer les plans du méchant de l'histoire risque d'être difficile. Mais au moins, la victoire aura un sens - il n'y a pas des milliers de vampires prêts à prendre la relève de celui que nos héros viennent de liquider. Et puis, à long terme, l'Humanité survivra. Les forces des ténèbres sont en marge du monde que nous connaissons, et leur domaine n'est pas très étendu. Cela dit, si vous en décidez autrement, libre à vous ! Nombre de joueurs adorent lutter de toutes leurs faibles forces contre des puissances écrasantes, et se satisfont fort bien de leur infliger des piqûres d'épingle...
Par définition, l'épouvante est rare. Un homme normal n'y est confronté qu'une fois dans sa vie. Or, à partir du moment où vous enchaînez plusieurs scénarios, les personnages vont se retrouver confrontés presque quotidiennement à des monstres hideux, des démons, des sorciers, des maisons hantées et ainsi de suite ad nauseam. Vous pouvez choisir d'ignorer ce problème, quitte à transformer votre univers en ménagerie monstrueuse. Après tout, si cela ne dérange pas vos joueurs... Vous pouvez, si vous vous sentez assez solide, avoir recours de temps à autres au bon vieux truc du "fantastique expliqué". A la fin de l'histoire, on comprend que les fantômes sont des bandits déguisés, le vampire un simple malade mental... C'est un exercice de haute voltige, qui risque de devenir rapidement ennuyeux si vous l'utilisez trop systématiquement. Vous pouvez adopter la solution la plus logique, et imposer aux joueurs de changer de personnage à chaque aventure. A terme, cela devient très frustrant pour eux. Reste une possibilité, qui est sans doute la moins mauvaise des solutions : créer une structure d'enquêteurs voués à l'étude du surnaturel. Après leur première rencontre avec le surnaturel, les personnages-joueurs sont recrutés par cette société. Du coup, vous n'aurez plus de difficultés à les lancer dans les scénarios suivants. Ils seront convoqués par leur supérieur qui leur remettra le dossier, leur souhaitera bonne chance... et vogue la galère ! En jeu, cela donne la SAUVE de Chill ; en littérature, le Talamasca d'Anne Rice.
Voici une suggestion d'association créée dans ce but :
Histoire. Issue directement d'un programme d'expérimentation sur les phénomènes parapsychologiques, mené dans les années 50 par le Dr James Price, à l'université d'Albuquerque (Nouveau-Mexique). Peu après avoir terminé ses recherches, Price rencontra Robert E. Stone. Ce dernier avait une immense fortune et du temps libre. Il s'intéressa au sujet, et décida de financer les travaux de Price. En 1963, l'étude de la maison Jackson, dans le Maine, leur démontra qu'il existait « autre chose » que des humains dotés de pouvoirs psi. Direction. Price est mort en 1976. Nathan Cloud, un illusionniste à la retraite, lui a succédé. Quant à Stone, âgé de plus de quatre-vingts ans, il continue à tenir les cordons de la bourse. Personnel. Une dizaine de salariés, au quartier général d'Austin (Texas), plus quelques centaines de correspondants, disséminés aux Etats-Unis et dans certains pays d'Europe occidentale. Objectifs. Recueillir et compiler un maximum d'informations sur toutes les manifestations paranormales, et les comparer pour essayer d'en dégager une trame générale. Démasquer les impostures.
Notes diverses.
En cas de danger surnaturel, les agents sont libres d'agir comme ils l'entendent. L'APS peut fournir une aide limitée, en matériel et en conseils. A priori, ce sont les « bons ». A moins que... Stone ne soit obsédé par l'idée de sa mort, et prêt à tout pour survivre, y compris à passer un pacte avec les puissances des ténèbres ?
Pour une bonne partie de jeu de rôle d'épouvante, il est nécessaire d'arriver à créer l'ambiance adéquate. Si rien ne remplace le talent (comme au cinéma), voici quelques trucs qui devraient vous aider. Mais il ne faut pas en abuser. Une bonne part de leur efficacité vient de leur rareté.
Même bardé d'accessoires, un meneur de jeu médiocre ne fera pas illusion longtemps. On a noirci des dizaines de pages sur la meilleure façon de faire jouer les histoires d'épouvante (le jeu de rôle L'appel de Cthulhu, notamment, contient un excellent chapitre sur ce sujet). Voici déjà quelques principes de base, pour vous aider à commencer.
Et maintenant, autour de la table, comment faire passer tout cela ? Vous pouvez dramatiser à outrance. « Vous vous engagez dans le souterrain ? Parfait... » (le MJ se précipite, baisse la lumière, se rue vers la chaîne hi-fi, tripote fébrilement les boutons jusqu'à ce qu'il ait trouvé le bon morceau, revient à la table et reprend la description). Si vous pouvez faire tout cela de façon fluide, en quelques secondes, l'effet de choc sera décuplé. Mais si vous y passez trop de temps, les joueurs vont se dissiper, c'est à peu près inévitable. Vous pouvez aussi présenter les faits de manière tout à fait anodine. « Tu ouvres le placard ? Bon. Dedans, il y a un grand type qui te fais un sourire plein de dents pointues, et qui te saute à la gorge. » Le mieux est de dire tout cela d'une traite, sans changer de ton. Dans un premier temps, le joueur croira avoir mal entendu, ou s'imaginera que vous plaisantez... Avant de se rendre compte que ce n'est pas le cas. Cette méthode présente l'avantage annexe de rendre les joueurs beaucoup plus attentifs par la suite, même à vos commentaires les plus anodins
Voici quelques créatures typiques et connues de tous, pour vous aider à peupler vos premiers scénarios.
Il en existe de deux sortes. Les plus anciens et les plus puissants sont des humains maléfiques qui ont passé un pacte avec les Puissances des Ténèbres de leur vivant. En échange de son âme, ce type de vampire voit son existence indéfiniment prolongée. La lumière du soleil le brûle, il n'a plus de reflet ni d'ombre, et doit boire du sang pour survivre. En échange, il reçoit un grand nombre de pouvoirs : il peut se changer en animal et se dématérialiser à volonté. Il est fort comme trois hommes, il commande aux créatures de la nuit (loups, rats, chauves-souris)... et cette liste n'est pas limitative. La seconde variété de vampire se compose d'humains innocents qui se sont faits vider de leur sang par un vampire. Ils sont généralement beaucoup moins puissants et plus faciles à détruire.
En termes de jeu.
Tous les vampires sont différents. Les plus puissants sont bien supérieurs aux humains, et même les vampires « inférieurs » sont considérés comme des PMJ forts. Mais, comme tous les mort-vivants, ils n'ont pas de points de souffle. Leurs points de « vie » ne peuvent leur être retirés que par des armes bénies. Le sang qu'ils boivent leur permet de gagner des points d'énergie.
La plupart des contes les décrivent comme des humains maudits qui se changent en loup à la pleine lune. Toutefois, « maudit » est un terme relatif. Certains prennent manifestement beaucoup de plaisir à leur nouvel état, et en profitent pour semer la terreur. Ils sont vulnérables à l'argent. Touchés par une arme en argent, ils perdent automatiquement 2PV. A en croire les vieux traités des inquisiteurs, sous forme humaine, ils sont repérables à un certain nombre de signes : sourcils se rejoignant, annulaire plus long que le majeurs touffe de poils dans la paume de la main... Évidemment, de nos jours, tout cela peut être aisément corrigé.
En termes de jeu.
Les loups-garous sont des PMJ moyens ou forts, avec deux fois plus de points de vie et de points de souffle qu'un humain ordinaire. Ils sont sensibles aux armes en argent (tout dégât causé par une arme qui contient de l'argent est doublé par rapport à la normale).
Des hordes de zombies pourrissants et carnivores sont une vision courante dans les films d'horreur. II en existe plusieurs variétés, qui diffèrent essentiellement par leur mode de création. Les mort-vivants « magiques » ont été réanimés par la volonté d'un sorcier, et sont généralement contraints de lui obéir. Quant aux zombies « technologiques », ils naissent des expérimentations d'un savant fou, ou d'un accident (le très populaire « fût de déchets toxiques abandonné dans une décharge qui, par une dramatique coïncidence, jouxte le cimetière »). Les motivations de cette dernière catégorie sont simples : tuer et manger le plus possible d'humains vivants. Les deux genres partagent le même trait déplaisant : ils sont très difficiles à re-tuer.
En termes de jeu.
Les mort-vivants sont des PMJ de toutes sortes, mais ils n'ont jamais de points de souffle, et rarement des points d'énergie. Leurs points de vie représentent les dégâts qu'ils peuvent encaisser avant d'être réduits en morceaux inoffensifs. Certains sont exceptionnellement endurants (de 4 à 12PV) mais ils sont alors très lents et faibles.
Ces humains ayant voué leur vie aux forces du mal sont généralement puissants et dangereux. Mais ils se donnent rarement la peine de s'intéresser aux gens normaux (à part quand ils ont besoin de victimes à sacrifier, bien entendu). Ils sont rares, mais proportionnellement plus nombreux que les « vrais » monstres. Par conséquent, les PJ en croiseront assez souvent. Les plus charismatiques attirent parfois une petite suite, généralement composée de malades mentaux. Les autres se contentent de vivre en marge du monde, perdus dans leurs études. Il leur arrive de se faire la guerre et, parfois, des individus normaux se retrouvent impliqués dans leurs agissements.
En termes de jeu.
Considérez un sorcier comme un PMJ faible pour les actions physiques et comme un PMJ fort pour tout ce qui fait appel à l'intellect.
Un problème courant De nos jours, tout le monde sait que les vampires
ont peur de l'ail, et que les loups-garous sont vulnérables à l'argent.
Le cinéma, la littérature et la télévision l'ont assez
seriné. Et les fans de films d'horreur, confrontés â un vampire,
ne risquent pas d'en avoir peur. Ils seront trop occupés â élaborer
des tactiques complexes pour se permettre le moindre frisson. Si cela arrive a votre
table de jeu, vous avez plusieurs solutions. Vous pouvez tout garder tel quel, et
laisser vos joueurs se transformer en chasseurs de monstres enthousiastes, ou vous
rappeler que 95 % de l'épouvante est en fait
une simple peur de l'inconnu... et modifier un peu la |
Epouvante: Scénario
Attention, si vous êtes joueur, ne lisez surtout pas ce qui suit. C'est une aventure que vous allez peut-être jouer un jour. Par contre si vous êtes meneur de jeu, lisez attentivement le texte avant de le faire jouer. Quant à nos personnages, pris dans les vicissitudes de la vie moderne, ils ne se doutent pas qu'un événement pourtant banal va se transformer en un cauchemar, leur cauchemar.
Région parisienne, printemps 1994. Les personnages-joueurs (PJ) font tous
partie d'une association, et sont à la recherche d'un local. Définissez
les objectifs de l'association en fonction des talents, hobbies et passés
des PJ. Parmi les suggestions possibles : une association subventionnée par
l'État (lutte contre le tabagisme, par exemple, ou réinsertion d'ex-détenus,
d'anciens drogués ou de SDF). Mais il peut aussi s'agir d'une structure moins
ambitieuse... (En fait, cela importe peu. Il s'agit juste d'un prétexte pour
réunir une demi-douzaine de personnages issus d'horizons très différents,
et les faire travailler ensemble pendant un moment.) Bien entendu, leur budget est
extrêmement réduit, et ils ont besoin d'un local assez vaste. Jouez
un ou deux coups de téléphone à des agents immobiliers peu
coopératifs, qui se montrent décourageants à plaisir (« Non,
je regrette, nous n'avons rien dans vos prix ». « Oh, vous savez, en
ce moment, ce n'est pas facile », etc.). Mais au troisième essai,
leur interlocuteur s'exclame : « Ah, mais oui, j'ai quelque chose qui pourrait
vous convenir ! » Et il décrit une grande maison située en banlieue.
Quant au loyer, il est tout à fait dans les moyens de l'association... Le
lendemain, les PJ vont visiter, en compagnie de Pierre Legrand, l'agent immobilier
(un petit bonhomme rondouillard et volubile. Comment le jouer : aimable, bon commerçant
et visiblement désireux de conclure l'affaire). Faites-leur faire un tour
rapide des lieux, sans être trop précis (« les quatre grandes
pièces du premier étage sont spacieuses, mais en mauvais état.
Il y aura du travail », "la cuisine est immense"). Interrogé sur
la maison, M. Legrand répond de bonne grâce. Le propriétaire
se nomme Montard. "Il vit à Nice, je crois". Il a chargé le
cabinet Legrand, Dubois et Blondel de lui trouver un locataire lorsqu'il en a hérité, à la
mort de sa mère. Le bâtiment est inoccupé depuis presque cinq
ans. M. Legrand attribue cela à la proximité de la voie ferrée
(qui passe de l'autre côté de la rue) « et puis, vous savez,
de nos jours, ce genre de grande baraque trouve difficilement preneur ».
Bref, faites l'impossible pour convaincre les PJ que c'est une occasion en or. C'est
d'ailleurs le cas. Résumez l'inévitable délai bureaucratique
en une phrase ou deux. L'action reprend quelques jours plus tard, lorsqu'ils prennent
possession des clés. Il y a des travaux à faire. Et l'association
qui les emploie ne se soucie pas d'engager des professionnels. Les PJ s'entendent
donc demander, très gentiment, de servir d'ouvriers bénévoles
pour quelques jours. Il y a juste un peu de ménage à faire et un coup
de peinture à donner...
Les PJ ne veulent rien savoir, se méfient d'une offre jugée trop tentante et décident de chercher ailleurs ? Vous avez deux possibilités : leur dire « et au bout d'une semaine de recherches, vous n'avez rien trouvé de mieux » et les forcer à en revenir à la maison Montard. Ou bien, si vous avez vraiment affaire à une résistance acharnée, leur fourguer une autre maison... qui se trouve être exactement la même. Changez juste le nom de l'ancien propriétaire et celui de l'agent immobilier, et reprenez le paragraphe précédent tel quel.
Comme vous vous en doutez probablement, la maison est hantée. Et pas par un seul fantôme, ce serait trop simple ! Remontons trente ans en arrière. Le Dr Montard était un médecin doté d'une clientèle convenable. C'était aussi un individu profondément mauvais, cruel et pervers. Accessoirement, il s'intéressait un peu à la sorcellerie. Il épousa une jeune fille charmante, mais légèrement incolore, avec l'idée d'avoir quelqu'un à martyriser en permanence. Ce fut un brillant succès.., à ceci près qu'au bout de quinze ans de mariage, lassée, la timide épouse empoisonna le docteur. Après quoi, elle l'enterra dans sa cave, avec la complicité de Charles Hernandez, un voisin - qui se trouvait être son amant depuis plusieurs années. Hélas, le mari, même mort, resta vindicatif. Son spectre revint hanter sa meurtrière. En fouillant dans les grimoires qu'il avait laissés derrière lui, elle finit par trouver un moyen de le neutraliser. Pendant près de dix ans, elle resta à l'affût des tentatives d'évasion de son mari (qui ne se faisait pas à l'idée d'être mort, et tentait par tous les moyens de revenir sur Terre). Le statu quo a duré des années, puis Mme Montard est morte, de manière tout à fait naturelle. Malheureusement pour elle, les Puissances qui jugent les âmes des défunts ont trouvé bon de la condamner à continuer sa surveillance, sous forme d'esprit. La maison est restée vide pendant des années... et voilà que les PJ entrent en scène, juste à point pour bouleverser le fragile équilibre qui s'est installé entre les deux fantômes.
Les fantômes II existe des dizaines de types de mort-vivants immatériels, chacun avant sa propre spécificité. Ils n'ont qu'un ou deux points en commun ; ils doivent leur séjour prolongé sur Terre à une raison précise (la disparition de cette raison les renvoie dans les Limbes), ils ont des restrictions de déplacement ou de comportement (un lieu, une personne, ne peuvent franchir des pentacles, etc.). En termes de jeu, on ne peut blesser avec des armes bénites que les fantômes qui ont eux-mêmes la possibilité de toucher les vivants. Sinon les deux règnes s'ignorent. Le fantôme du Dr Montard Mort brutalement, ayant fait des expériences de sorcellerie, son âme erre dans la maison. Il ne peut être détruit que si ses restes sont enterrés en terre consacrée. Tant qu'on ne l'a pas "délivré" (voir plus loin), il n'a q u'une action très faible sur le monde matériel. Ensuite, il se transforme en poltergeist (esprit frappeur).
Le fantôme de Mme Montard Elle reste à l'état de fantôme pour expier sa faute. Elle ne peut sortir de la maison. Le jour, elle ne peut émettre que des gémissements et des murmures. La nuit, elle peut communiquer via un spirite, par un système d'alphabet (voir plus loin), ou en rêve. Elle n'a qu'un interdit, mais très puissant: elle ne peut dire où sont les restes de son mari. |
Le jardin : Rien d'anormal. Une pelouse négligée depuis des années,
des parterres envahis de mauvaises herbes, et deux hêtres étiques.
L'arrière-cour : Là non plus, rien de particulier. Le terrain est
nu et boueux, à part l'allée bétonnée qui mène à la
porte de derrière.
Quant à la petite remise, elle est envahie d'un
bric-à-brac sans valeur (vieux meubles, outils de jardinage rouillés,
etc.) que les PJ sont censés laisser en l'état - après tout,
ils ne sont que locataires.
Couloir : Lugubre et mal éclairé, il relie la porte principale à la
porte de derrière.
Salon et salle à manger : Deux grandes pièces
vides, à part un papier peint passé, qui pèle par endroits.
Le plancher grince. D'ailleurs, il grince dans toute la maison.
Cuisine : Dans les années soixante, ce fut une cuisine ultramoderne pimpante
au possible. Tout ce qui reste de cette ancienne splendeur est une antique cuisinière
et un réfrigérateur tout aussi vénérable, qui finiront
sans doute assez vite dans la remise. Le formica est couvert de traces de graisse
brune, qui font irrésistiblement penser à des traces de lèpre.
Salle de bains/WC : Même chose que pour la cuisine. Cette fois, la vedette
est tenue par une immense baignoire complètement entartrée et une
machine à laver (sans doute le meuble le plus récent de la maison,
il a été acheté en 1970).
Les chambres sont toutes identiques. Ce sont de grandes pièces crasseuses, vides et sinistres, avec des placards immenses.
Totalement vide - tous les rebuts étaient accumulés dans la remise. Il n'y a que deux vasistas, qui dispensent parcimonieusement la lumière. La charpente est infestée de chauves-souris (de petites roussettes totalement inoffensives. Mais bon. Les PJ se persuaderont sans doute très vite qu'elles ont une raison d'être). Si les PJ ont l'inconscience de s'attaquer au nettoyage du grenier, ils trouveront de nombreuses coulées de cire sur le sol. De la cire noire.
Elle est entièrement bétonnée. Une immense chaudière à mazout en relativement bon état occupe tout un coin (soit dit en passant, la citerne qui l'alimente se trouve enterrée dans l'arrière-cour. Il suffirait de faire tomber une allumette dans le conduit qui sert à la remplir pour provoquer une grosse explosion, sans doute suffisante pour démolir tout l'arrière de la maison). Au fond se trouvent quatre pièces plus petites, pleines de vieilleries sans intérêt. L'ancien propriétaire est enterré sous la pièce marquée d'un X (voir le plan). Il y a peu de chances que les PJ le trouvent par hasard : il faut déplacer quelques mètres cubes de cartons pleins de bibelots, puis éventrer la dalle de béton, et enfin creuser sur deux bons mètres de profondeur, avant de tomber sur une masse blanchâtre (de la chaux vive, à manipuler avec précaution). Après toutes ces années, il n'en reste plus que quelques fragments d'os et un bout de mâchoire, juste suffisants pour que la police puisse l'identifier si elle venait à avoir vent de cette découverte.
Balais, pots de peinture et brosses... la première journée se passe bien. Et puis, peu à peu, il commence à se produire des choses bizarres.
Bien entendu, une fouille, même détaillée, de la maison ne révèle rien. Il y a de fortes chances pour que les PJ pensent d'eux-mêmes que, si la maison est hantée, les phénomènes seront sans doute plus intenses dans la nuit. S'ils n'y songent pas (ce qui peut arriver si vous avez de vrais débutants à votre table), suggérez-le. (Comment faire ? Là encore, tout dépend de vous. Vous pouvez procéder subtilement, en faisant remarquer en passant que l'après-midi s'avance et qu'il commence à faire sombre. Ou pas subtilement du tout, en disant par exemple à l'un des joueurs : « Et tu te rappelles avoir lu un livre sur les fantômes, où l'on disait qu'ils se manifestaient plutôt de nuit. ») Bien entendu, aucun individu sain d'esprit ne passerait la nuit dans une maison qui est probablement infestée de fantômes. Mais les PJ ne sont pas des gens sains d'esprit, en principe...
Il n'y a pas « une façon » de procéder. Tout dépend de votre tempérament et des goûts de vos joueurs. Si vous êtes totalement novice, la manière la plus simple est de vous laisser porter. Les PJ arrivent dans la maison. Vous leur décrivez succinctement chaque pièce, en vous appesantissant bien sur l'état de délabrement général. Vous concluez par « bon, et maintenant qu'est-ce que vous faites ». S'ils se contentent de vous répondre « on nettoie », exigez des précisions. Une fois que vous saurez qu'Untel s'attaque à la cuisine, que Machin est à l'étage et que Truc donne un coup de balai dans la salle à manger, relisez la petite liste des événements bizarres. Sélectionnez-en un par personne, en commençant par les joueurs dont vous êtes certain qu'ils sont réceptifs. Prenez chaque personnage à part et dites-lui quelque chose du genre : « Tu t'es mis au travail et ça avance assez bien, quand soudain... » et vous lui décrivez l'incident. Laissez-le réagir à son idée. S'il désire prévenir les autres, laissez-le faire. Au début, il y a des chances qu'ils aient des réactions du genre « non mais ça ne va pas, mon pauvre ». Toutefois, au bout de deux ou trois bizarreries, il y a de fortes chances que les corvées soient vite abandonnées au profit d'une chasse au fantôme spontanée.
Au rez-de-chaussée, il ne se passe pas grand-chose. En revanche, les bruits de pas à l'étage et les murmures du grenier sont toujours là, et gagnent en intensité à l'approche de minuit. Par ailleurs, dans la chambre 2, on entend des sanglots. Une femme pleure. C'est l'esprit de Mme Montard, qui essaye de se manifester pour prévenir les PJ. Sans succès, évidemment, sans quoi ce scénario n'aurait plus de raison d'être. En définitive, les PJ se retrouveront au grenier. Les murmures franchissent le seuil de l'audible. Mieux, l'esprit qui les produit a l'air d'entendre les PJ. Très vite, la conversation s'engage. (Comment jouer l'esprit : faible, suppliant, par-dessus tout désireux d'être aidé.) Il leur explique qu'il est l'ancien propriétaire de la maison, le Dr Charles Montard. "J'ai été assassiné, et mon âme ne trouve pas le repos. Je dois être libéré des chaînes qui me retiennent ici pour pouvoir enfin gagner le Paradis. Je vous en supplie aidez-moi !" Sa requête parait assez innocente : répéter à voix haute une simple phrase en latin : « In Nomine Patris, et Filüs, et Spiritus Sanctis. Libera Te ! » (dont la traduction est « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, délivre-toi ! »). Les PJ sont libres de refuser et de se donner une journée de réflexion supplémentaire. L'esprit ne se manifestera plus. En revanche, les sanglots continuent. (Vous découvrirez à cette occasion une particularité intéressante des rôlistes en général et des débutants en particulier : ils ne savent pas résister à la tentation. Mettez-les devant un gros bouton rouge marqué « surtout, ne pas toucher » et vous pouvez être certain qu'ils se jetteront dessus. Et plus le bouton est gros, mieux ça marche.)
Une fois que les PI ont prononcé la formule fatale, la température commence à baisser. Une silhouette lumineuse se matérialise doucement. Ils reconnaissent le vieil homme du miroir... qui éclate d'un énorme rire satanique. Avant de disparaître, il prend le temps de les remercier de l'avoir libéré (comment le jouer : arrogant, sûr de lui, bref odieux) : « Cela faisait des années que j'attendais des locataires assez naïfs pour briser mes liens. Et maintenant, partez avant que je ne me fâche ! » A ce stade, ce n'est que du bluff : il est trop faible pour s'attaquer à eux. Mais d'ici quelques jours, ce sera une toute autre affaire... Si les PJ restent, ils passeront une nuit tranquille (sauf s'ils s'installent dans la chambre 2, où les pleurs continuent).
Ils ont fait une bêtise, il ne leur reste plus qu'à la corriger. (Et si... ils préfèrent s'en aller sur la pointe des pieds, rentrer chez eux et ne plus jamais revenir ? Mme Montard décide de ne pas les laisser filer comme ça et commence à les hanter. Chaque nuit, de longs sanglots peuplent les rêves des PJ, jusqu'à ce qu'ils soient convaincus que leur tranquillité ne sera pas restaurée tant qu'ils n'auront pas fait quelque chose).
Les PJ pataugent désespérément ? Voici un PMJ à sortir de votre manche, qui pourra les aider :
Il pourrait :
- Découvrir tout ce que les PJ ont manqué, et leur téléphoner pour les mettre au courant. Dirigiste, mais efficace.
- Essayer de s'introduire de nuit dans la maison pour la fouiller. Dans ce cas, s'il y a des PJ à l'intérieur, ils sont réveillés par des bruits bizarres dans le jardin... Cette fois, ils ne le rattraperont pas nécessairement. Sinon, il ne trouvera rien (et ressayera la nuit prochaine). Autorisez les PJ à faire un test de Corps
+ Perception
+ Minéral
en arrivant à la maison le matin. Dites à ceux qui le réussissent qu'il y a des traces de perquisition.
Si vous êtes d'humeur taquine et que vous vous sentez les épaules assez solides pour un peu d'improvisation, Le Gannec pourrait prendre contact avec le fantôme du docteur... Ce dernier, trop heureux de compliquer la vie des PJ, n'aura rien de plus pressé que de le tuer (en lui brisant la nuque avec l'un des outils des PJ, ou quelque chose d'approchant - la télékinésie a du bon). Dans ce cas, les malheureux PJ se retrouvent avec un cadavre sur les bras. Personne ne croira jamais qu'il a été tué par un esprit... S'ils en parlent à la police, ils se préparent de gros ennuis, à moins d'avoir un alibi inattaquable pour l'heure du crime. Il serait plus « amusant » de les pousser à se débarrasser du corps (c'est généralement ce qui se produit sans qu'il y ait besoin de leur suggérer quoi que ce soit). Quoi qu'ils inventent, cela marchera avec un minimum de complications... pour le moment. Si vous voulez ressortir cela de votre manche par la suite, ne vous gênez pas. Les enquêtes de police prennent parfois des semaines et des semaines...
Sans l'aide d'Hernandez, la tâche est colossale. Il y a un jardin, une cour, une cave, une remise... pour ne citer que les endroits les plus probables. Si les PJ négligent complètement la piste Hernandez et se lancent dans un programme de fouilles à grande échelle, vous pouvez soit être gentil (et déplacer le cadavre de façon à ce qu'il soit juste au premier, ou à la rigueur au second, emplacement qu'ils fouilleront), soit leur souffler la bonne solution par le fantôme de Mme Montard... ou vous montrer strict et attendre qu'ils défoncent le sol de la cave.
Le
docteur sait que son corps est encore son point faible. Il ne laissera pas
les PJ mettre la main dessus. Ils ont intérêt à l'exhumer
de jour ! Et même dans ces conditions, il utilisera ses faibles pouvoirs
télékinétiques.
Les PJ seront bombardés avec les cartons entassés dans la cave
(perte d' 1 ou 2PS chacun, voire d' 1 PV si vous vous sentez d'humeur cruelle).
Il peut aussi essayer de les enfermer dans un des box... ou les pousser dans
l'escalier ( Corps +
Résistance
+
Humain
pour éviter
une chute douloureuse). Mais son arme absolue est la chaudière. Les
tuyaux peuvent se détacher
et lui servir de matraque. Mieux, il peut agir sur les contrôles... l'aiguille
de température monte doucement vers le rouge, celle de pression aussi.
II est possible de les bloquer, mais c'est difficile (faites faire les jets à -4).
Des grondements inquiétants se font entendre... mais bien sûr,
ils trouveront le cadavre juste avant l'explosion.
Il ne reste plus qu'à fourrer les restes du docteur dans une vieille lessiveuse en zinc, et à se hâter vers la sortie, puis vers le cimetière le plus proche. Évidemment, il faudra attendre la nuit et escalader le mur (curieusement, les gardiens se méfient des inconnus échevelés qui entrent en brandissant des pelles). C'est l'occasion de leur faire une ou deux frayeurs, à base de silhouettes bizarres qui s'avèrent être des monuments, ou de gardiens de nuit faisant leur ronde. L'endroit idéal pour l'inhumation est les environs de la concession des Montard (où repose les parents du docteur, sa femme et quelques autres). Mais techniquement parlant, l'ensemble du cimefière est une terre consacrée. N'importe quel coin sombre fera donc l'affaire. Ils n'ont pas plus tôt jeté la dernière pelletée de terre qu'ils entendent un terrible hurlement de rage. Montard apparaît une dernière fois, avant de se dématérialiser (si vous voulez faire apparaître un gros démon qui le saisit au collet avant de disparaître avec lui, libre à vous. C'est peut-être un peu gros, mais vous êtes le meneur de jeu, après tout). Quant à sa femme, elle est partie pour de bon. La maison n'est plus hantée, et les PJ vont pouvoir reprendre leur petit train-train.